Environ 250 personnes sont rassemblées, en ce froid jeudi matin de janvier, dans l’arrière-salle de la tribune 2 du stade de Sclessin, pour le colloque « Filles & Garçons : dans une même équipe ? La mixité à l’école, dans les sports et loisirs des jeunes », organisé par la Ministre Simonis, en charge de l’Egalité des Chances et de la Jeunesse. Premier balayage de la salle des yeux, soulagement : les hommes sont bien présents, et en nombre. (On voit malheureusement trop d’événements consacrés à la mixité peuplés de femmes, tandis que les hommes semblent peu préoccupés par le sujet…) Le public est composé majoritairement d’enseignants et d’encadrants jeunesse.
Une matinée axée sur la théorie
Cinq femmes se partagent la parole en matinée : quatre chercheuses donneront un cadre théorique à la journée, tandis qu’Alexandra Adriaenssens communiquera les chiffres existants sur la proportion de filles dans les sports et les loisirs.
Nous retiendrons de ce chapitre théorique que la mixité à l’école a d’abord répondu à un impératif économique, de manière assez subite, et qu’elle n’a donc pas fait l’objet d’une réflexion préalable, avec pour conséquence l’absence d’une « pédagogie de la mixité ». Pour résumer cette idée, il ne suffit pas de mettre des filles et des garçons ensemble et d’observer ce qu’il se passe ; encore faut-il organiser leur sociabilisation et leur coopération. Dans le sport, la non-mixité est la règle et il va sans dire que l’univers sportif – et encore davantage celui de la compétition, valorisé dans les médias – est envahi de garçons. Il est pourtant intéressant de noter, comme le souligne une chercheuse, qu’on voit et souligne bizarrement plus la non-mixité quand elle concerne les femmes. Nous réfléchirons à ce sujet au fait qu’il faut distinguer non-mixité subie et assumée – cette dernière constituant parfois une étape intermédiaire nécessaire. Enfin, dans les loisirs, les chiffres nous apprennent que les filles sont davantage cantonnées, encore aujourd’hui, de manière très stéréotypée, dans les activités sportives « équitation-danse-patinage » et les activités artistiques.
Ce serait déjà dommage si cela se limitait au fait de priver un individu de tout un panel d’activités « réservées à l’autre genre », mais cela ne s’arrête pas là : on constate que les activités dites « masculines » sont davantage valorisées et financées, pénalisant de ce fait la grande majorité de la population féminine. Tout ce qui est féminin est quant à lui automatiquement jugé « dévalorisant » ; la preuve avec cette célèbre photo d’Iggy Pop vêtu d’une robe, dans laquelle on voit « un homme habillé en femme » et non « un homme portant une robe », avec ce que cela comporte de dégradant aux yeux de la majorité des personnes. Le constat est donc loin d’être… rose.
Partage d’expériences de terrain
Quant à l’après-midi, elle permettra aux participant.e.s de se répartir en ateliers en fonction de leur secteur : jeunesse, enseignement ou sport. Ces ateliers seront à leur tour divisés en sous-groupes thématiques, centrés sur une question précise. Je propose quant à moi d’analyser l’hétéronormativité et la manière dont l’homophobie latente limite encore les jeunes dans leurs choix d’études, de carrière ou de loisirs. Trois autres personnes me rejoignent dans cette réflexion et nous concluons notamment à l’importance d’équipes encadrantes mixtes et à la figure d’exemple que doivent constituer les animateurs/trices, au fait qu’il doit éviter à tout prix de perpétrer les stéréotypes, se répartir les tâches différemment pour aller à l’encontre de ce qu’on attend d’eux/elles en fonction de leur genre, et surtout éviter les plaisanteries fâcheuses au sujet de l’homosexualité.
Le soleil perce en cette fin de journée sur la cité industrielle de Sclessin : serait-ce l’indice qu’il faut garder une lueur d’espoir, malgré tout ? Oui, car je retiendrai ce témoignage de Laura, animatrice au Céméa, relatant le systématisme avec lequel, lors d’une résidence, un petit garçon allait chercher un costume de princesse dans la malle à déguisements, sans que cela n’émeuve ni ses camarades, ni le personnel encadrant.
Coline Leclercq, permanente CHEFF