En ce 21 octobre, la question du jour dans l’émission de Benjamin Maréchal « C’est vous qui le dites » sur Vivacité se pose en ces termes : “Sanne, 10 ans, est née garçon mais ses parents la considèrent fille depuis qu’elle a 7 ans. Vous auriez pu vous ? » On y découvre que les parents de Sanne ont fait le choix de respecter l’identité de genre de leur enfant après avoir constaté son mal-être, se rendant à l’évidence qu’il ne pouvait s’agir d’une phase : Sanne est bel et bien transgenre. Passons le fait que le débat est d’emblée confisqué aux personnes concernées – les transgenres – puisqu’il s’adresse à leurs proches (hypothétiques ou réels). Le débat est lancé dans des termes transphobes, niant l’identité de Sanne, présentée comme “garçon considéré fille” et non pas simplement comme fille.
A partir de là, le problème va grandissant avec les échanges : on ne peut comptabiliser le nombre d’occurrences où Sanne est appelée au masculin, où les journalistes demandent à des témoins le prénom officiel (soit l’équivalent de l’ancien prénom, douloureux) de leur proche transgenre, etc. N’oublions pas que, si les personnes transgenres n’avaient pas droit au chapitre dans ce débat, elles n’en écoutent pas moins la radio. Nier l’identité d’une personne transgenre, l’appeler par son prénom officiel et non social, parler d’elle en ayant recours au mauvais pronom, sont autant de maladresses violentes et dommageables. Soulignons encore que l’entièreté du débat se focalise sur le fait que Sanne a un beau jour demandé à porter une robe, créant la confusion parmi les auditeurs : se sentir appartenir à l’autre genre tient à bien plus qu’un vêtement. Vouloir porter une robe ou jouer à la poupée ne peut en aucun cas être directement assimilé au fait de se sentir fille. Climax de cette transphobie banalisée : à maintes reprises, il y a négation du vécu des personnes transgenres en résumant leur identité à un caprice, à un mensonge. Bref, l’ensemble de l’émission se déroule comme d’habitude, avec des avis très tranchés sur une question brûlante, à la différence notable que la question de départ, puisqu’elle est personnelle, ressemble plus à une jetée en pature des parents de Sanne et de Sanne elle-même aux auditeurs qu’à un débat de société.
De nombreux/ses transgenres souhaiteraient avoir les parents de Sanne
Malgré de nombreuses tentatives, nous n’avons pas pu joindre le standard et passer à l’antenne afin d’apporter notre avis de personnes concernées. Si nous y étions parvenus, nous aurions aimé féliciter les parents de Sanne de respecter l’identité de leur fille et leur dire qu’ils sont les parents que de nombreux/ses transgenres souhaiteraient avoir. Notre identité n’est pas un caprice, encore moins un mensonge, en tout cas ni plus ni moins que la réalité identitaire vécue par tout un chacun : le genre est avant tout un fait social construit auquel nous adhérons tou·te·s, d’une façon plus ou moins différente, que l’on soit cisgenre* ou transgenre. Il se trouve que pour la majorité des individus, cette construction est en adéquation avec le genre assigné à la naissance. Ce n’est pas le cas des personnes transgenres. Mais cela ne rend pas notre genre moins réel qu’un autre – peu importe notre âge – et nous n’en sommes pas moins dignes de respect et d’affection.
Une solution : s’informer
Nous regrettons la tournure qu’a pris le débat radiophonique : nous sommes convaincu·e·s que la méconnaissance du vécu des personnes transgenres est à l’origine de ce type de propos. Nous souhaiterions donc avant tout rappeler que la transphobie n’est pas une opinion, mais une discrimination, qui touche et blesse chaque jour les personnes concernées. Nous enjoignons donc les citoyens comme les journalistes à accepter ce défi permanent : être prêt·e·s à remettre en question leurs pensées et préjugés, à s’informer et à venir rencontrer nos réalités. Pour conclure sur une invitation formelle à l’action, nous vous proposons de nous rejoindre lors de notre prochaine conférence sur la question des discriminations que vivent les personnes transgenres dans l’enseignement supérieur, le mardi 10 novembre après-midi, de 13 heures à 16 heures 30, à la Maison Arc-en-Ciel de Namur. Pour toute demande d’informations ou d’animation sur le sujet, vous pouvez nous contacter directement à l’adresse identiq@lescheff.be .
Carte blanche rédigée par Maxence Roelstraete, administrateur des CHEFF et membre responsable du pôle IdenTIQ consacré aux questions TQI (Trans, Queer, Intersexué·e·s)
* Cisgenre : personne qui s’identifie au genre qu’on lui a assigné à la naissance